Pendant deux ans Florie a voyagé à travers l’Amérique Centrale et du Sud et y a rencontré plus d’une centaine d’acteurs du tourisme engagés dans une démarche responsable. Elle en a profité pour documenter en vidéo leurs bonnes pratiques qu’elle a ensuite listées dans la bibliothèque collaborative d’Hopineo. Vers un tourisme durable en Amérique Latine? Elle répond ci-dessous à quelques questions pour partager son retour d’expérience sur le sujet.
Hopineo : Qu’est-ce qu’une entreprise touristique “durable” ?
Florie : En 2008, avec le soutien de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), le Global Sustainable Tourism Council (GSTC) a publié des sets de critères afin de doter le secteur touristique d’une définition internationale en la matière.
Si cela peut sembler plutôt clair en théorie, dans la pratique, il n’est pas si évident de qualifier telle ou telle initiative de tourisme durable. D’ailleurs, avec Hopineo, nous préférons parler de tourisme responsable. Nous partons du principe que tout n’est pas si blanc ou si noir, il s’agit d’une démarche à adopter, un chemin à prendre.
“Mener un tourisme responsable, c’est chercher à combiner une rentabilité économique avec un modèle permettant de générer un impact positif à long terme sur la destination.”
En Amérique Latine, il m’a semblé que l’on parlait beaucoup d’écotourisme mais encore assez peu de tourisme durable ou responsable. L’écotourisme est une forme de tourisme responsable, mais c’est une notion plus réduite, centrée sur un tourisme “vert” au cœur de la nature. L’Amérique Latine est un vrai trésor écotouristique, avec un énorme potentiel à développer (je vous invite à consulter les très complètes études réalisées par CBI sur le sujet).
Mais durant mon voyage j’ai essayé d’élargir un peu le spectre. J’ai cherché à rencontrer ces chefs d’entreprises qui ont choisi de travailler dans le tourisme, non pas par pur opportunisme, mais avec une réelle passion, un amour pour leur destination. Il pouvait s’agir d’ecolodges, mais aussi d’hôtels, de chambres d’hôtes, d’auberges de jeunesse, d’agences de voyage réceptives ou encore d’associations de tourisme communautaire par exemple.
H : Était-ce facile de trouver dans tous les pays ?
F : J’essayais toujours de me rapprocher d’agences de voyage réceptives locales qui me paraissent les meilleures ambassadrices des destinations. Ce sont souvent les seules à avoir une vraie connaissance approfondie et actualisée du territoire et de ses acteurs.
La tâche était plus difficile dans des pays comme le Honduras, Salvador, Paraguay et Uruguay, où le tourisme international est encore très peu développé.
A l’inverse, cela était plus facile dans des pays déjà engagés sur le sujet, comme par exemple:
- Au Costa Rica avec sa certification CST,
- En Equateur à la suite de ma participation à la conférence d’écotourisme ESTC,
- Au Chili avec son label S et la suite du sommet de tourisme d’aventure ATTA,
- Au Brésil avec son passeport vert.
J’ai appris récemment que le Mexique allait s’allier avec l’organisme de certification Rainforest Alliance et l’Equateur avec TourCert. Cela devrait continuer à favoriser les discussions sur le sujet et mettre en avant les entreprises touristiques engagées à travers l’Amérique Latine.
Si vous être curieux d’en savoir plus sur ma démarche pour trouver ces acteurs du tourisme responsable en Amérique Latine, je vous invite à lire l’article suivant : « Un HopTour, comment ça marche ? ».
H : Quels types de bonnes pratiques as-tu rencontrées ?
F : Il y a des endroits où le simple fait de choisir le tourisme comme levier de développement économique peut déjà représenter une solution plus durable en soi. Par exemple à Futaleufu, au Chili, le tourisme a permis de contrer un projet de construction d’un barrage hydroélectrique qui aurait sinon inondé toute la vallée (voir vidéo). Au Costa Rica, dont la principale source de revenu est le tourisme, plus de 25% du territoire est constitué d’espaces naturels protégés. De nombreux parcs nationaux (voir exemple) et héritages du patrimoine culturel (voir exemple) n’existeraient d’ailleurs certainement pas si ils ne constituaient pas, en outre, un attrait pour les touristes. La montée en flèche du cours du lithium aura-t-il raison du salar d’Uyuni en Bolivie? Les opérateurs touristiques s’y opposent (lire article dans Libération). En Amazonie équatorienne, le tourisme (et en particulier le tourisme communautaire) pourrait constituer une source de revenu plus durable comparé à l’extraction pétrolière ou à la monoculture intensive (voir vidéo). Dans les fjords du Chili, l’écotourisme pourrait aider à contrer la salmoniculture, triste source de pollution marine (voir vidéo). En Colombie le développement du tourisme est un allié pour la paix et aide la transformation économique de certaines régions anciennement occupées par la guerilla (à travers le programme Tourisme & Paix du gouvernement par exemple). Ce n’est pas pour rien si le tourisme figure comme cible dans trois des dix sept objectifs de développement durable des Nations Unies, et que 2017 fut proclamée année du tourisme durable!
Après, bien sûr, tout n’est pas si simple… Il y a un grand besoin de coordination entre les différents acteurs des destinations afin de développer des plans de développement touristique qui soient “durables”. Il existe parfois une forte volonté au niveau gouvernemental, comme par exemple au Costa Rica avec la certification CST (lire l’article) ou sur l’île de Chiloe, à Ancud, au Chili avec le label SIPAM (voir video), parfois non… et dans ce cas, on peut voir dans certaines destinations des acteurs du tourisme privés prendre l’initiative de s’organiser entre eux : comme par exemple dans le village de Chugchilan, à côté du lac Quilotoa, en Equateur (voir video), ou encore à Cuispes ou Cocachimba au Nord du Pérou.
Les bonnes pratiques au niveau de la gestion de l’énergie, de l’eau, des déchets, sont parfois incontournables de par la localisation si isolée, au milieu de la nature, de certains écolodges. Ces lodges n’ont pas d’autres choix que celui d’être autonomes et donc « durables » par essence, comme par exemple le Saladero Ecolodge au Costa Rica ou Totoco Ecolodge au Nicaragua. Mais parfois, même au milieu de grandes villes, des initiatives naissent, comme l’Eco-hôtel Arbol de Fuego au Salvador qui a mis en place de nombreuses bonnes pratiques écologiques et est devenu un référent en la matière dans son pays.
Au niveau social, des associations de tourisme communautaires indigènes ou certaines fondations à but caritatif mènent de vraies bonnes pratiques car c’est l’essence même de leur projet, tels Ecolodge & Fondation Yachana en Equateur, l’Hôtel & Fondation Sol y Luna au Pérou, ou bien encore la Fondation Moises Bertoni & son Lodge Mbaracayu au Paraguay. Mais il y a aussi des entreprises touristiques qui ont développé leur engagement social par la suite en faisant participer tous les employés, en soutenant des fondations locales ou encore en proposant des eco-ateliers pour les enfants par exemple.
J’ai collecté 80 bonnes pratiques à travers l’Amérique Latine, la plupart illustrées en vidéos : cliquez ici pour les consulter!
H : Quelles furent les dix entreprises touristiques qui t’ont semblées les plus exemplaires ?
F : Dans la sélection ci-dessous j’ai essayé de représenter au mieux les différents pays et différents concepts pour illustrer la grande diversité existante. Cependant, il est vrai, que les acteurs du tourisme de type ecolodge ou tourisme communautaire se prêtent mieux à l’illustration d’un tourisme plus responsable, on en retrouve plusieurs dans la liste :
- Yachana Ecolodge & Fundación, Ecuador – video
- Andean Lodges, Peru – video
- Favela Experience, Brasil – video
- Mbaracayu Lodge & Fundación, Paraguay – video
- Ecocamp Patagonia, Chile – video
- TUSOCO, Red de Turismo Comunitario, Bolivia – video
- Ecoposada del Estero, Argentina – video
- Finca Exotica Ecolodge, Costa Rica – articulo
- Arbol de Fuego Eco Hotel, El Salvador – articulo
- Selva Negra Ecolodge & Fundación, Nicaragua – articulo
J’ai référencé toutes les initiatives qui me paraissaient honnêtes dans leur démarche sur Hopineo : voir la carte du monde interactive sur la page d’accueil.
H : Prochaine étape ?
F : Dans tous les pays visités, j’ai pu observer de nombreuses initiatives touristiques déjà bien engagées sur le chemin d’un tourisme plus durable. J’ai rencontré de nombreuses personnes ayant envie d’agir dans ce sens, mais elles se sentent parfois un peu isolées dans la démarche. Afin de renforcer le mouvement, de faciliter le partage de solutions et de s’entraider, nous avons lancé une équipe d’ambassadeurs Hopineo Amérique Latine. Tout le monde est le bienvenu à bord, on compte sur vous pour faire passer l’invitation!