
A la découverte des fruits délicieux de Bolivie au marché de Sucre © David Gasc
Parcourant 20 pays et plus de 31000 kilomètres Sur la route du patrimoine (blog), David Gasc s’est donné pour fil rouge de rencontrer, contribuer et partager des projets innovants durables, en particulier dans le domaine du tourisme et de l’agriculture. Il partage quelques-unes des bonnes pratiques en matière de restauration et alimentation durable glanées pendant 4 années passées sur son vélo le long du continent américain.
S’alimenter avec responsabilité, c’est possible. Comme tout ce que l’on consomme, le choix de ses aliments en voyage revêt une grande importance pour qui veut respecter au mieux la destination qu’il visite et ses hôtes. Il y a plusieurs critères à prendre en compte comme l’écologie, l’éthique et la solidarité dans la production de ces aliments jusqu’à notre assiette. Voici quelques bons gestes et bonnes pratiques à disséminer pour le bonheur de tous.
Consommer local

Diversité agricole: la cas des haricots secs en territoire guarani au Paraguay © David Gasc
Etre responsable dans son alimentation de voyage, ce serait comme optimiser ses empreintes associées : carbone, biodiversité, santé et sociale.
Consommer local permet d’éviter les émissions de gaz à effet de serre du transport des denrées et de créer des emplois locaux, et de valoriser ce qu’il y a de bon dans la destination visitée! En locavore aguerri, vous allez débusquer les plats typiques savoureux. On en parle plus en détail dans quelques instants… A l’avenir des applications embarquées devraient nous permettre de mesurer l’empreinte carbone de nos aliments. Patience!
Des aliments sains, éthiques et bien plus encore!

Pause typique argentine : empanadas et vin local biologique ! © David Gasc
Afin de diminuer l’empreinte écologique de sa ration, on peut opter pour des aliments issus de mode de production respectueux de l’environnement tel l’agriculture biologique ou l’agro-écologie. La production de ces aliments respecte les sols et la biodiversité selon un cahier des charges. En l’absence de résidus de pesticides chimiques, leur consommation est bénéfique pour notre santé. Les employés agricoles sont moins exposés à des risques sanitaires en comparaison avec des modes de production intensifs. Dans les pays sud-américains, on ne peut se limiter à rechercher le label Bio sur les produits. Les produits de petits producteurs qui ne peuvent pas payer l’étude de certification Bio sont souvent aussi bien! Renseignez-vous avant d’acheter sur les marchés. L’offre est de plus en plus vaste. Profitons-en comme des bons vins biologiques ou en biodynamie de la région de Mendoza (avec modération)!
Les produits estampillés commerce équitable mettent en avant, au-delà de la qualité du produit, le respect des conditions de travail agricole et la rémunération au prix juste des producteurs. Les structures de production sont souvent de petite taille. Le quinoa équitable d’AlterEco vous certifie des actions bénéfiques auprès des producteurs de l’altiplano bolivien. Rainforest Alliance développe aussi des projets de certification écologique avec des communautés de producteurs comme alternative à la déforestation. Yummy le chocolat équatorien! Sans surprise, la qualité du produit est associée à tous ces autres avantages.
En consommant ces produits agricoles écologiques, sans même vous en rendre compte, c’est comme si vous achetiez un “service” paysager, social ou culturel. Par exemple, lorsque je déguste une pâtisserie de Qosqo Maki à Cuzco au Pérou, je contribue à aider des jeunes en situation de rue à s’en sortir et à leur apprendre le métier de boulangerie. Lorsque je savoure un jus de feijoa ou goyave d’Uruguay, je participe à la préservation de cette espèce native au goût particulier et à la préservation des sols. Un pain tout chaud sorti de la Panaderia Palacio valorise les savoir-faire de quatre générations de boulangers passionnés, des produits sourcés avec de la farine locale de qualité. Un asado de mouton est une offrande de la culture gaucha et des beaux pâturages du Sud Chilien.
Diversité dans l’assiette

Fameux ceviche dévoré dans un restaurant populaire près de Chachapoyas, nord Pérou © David Gasc
Voyager, c’est l’occasion de découvrir ce que l’on n’a pas chez soi. Il en est de même en ce qui concerne la nourriture non? L’Amérique a de quoi régaler les papilles les plus raffinées et et les coriaces (on utilise beaucoup d’épices surtout au Pérou et au Mexique!). Voici quelques-unes de ces merveilles gastronomiques qui ne se trouvent pas forcément dans le restaurant du quartier mais dans les lieux populaires et chez les gens. La richesse du patrimoine américain se trouve aussi dans l’assiette!
Des aliments issus de variétés locales adaptées aux conditions de culture apportent souvent de la couleur et des saveurs insoupçonnées. La biodiversité agricole (ou agribiodiversité) est la gardienne de la qualité, des savoir-faire et de la résilience face aux changements climatiques. Des ONG telles Semillas de Vida au Mexique ou le réseau Gardianes de semillas en Equateur sensibilisent à la question de la souveraineté alimentaire et développent des actions de promotion de la diversité contre les OGM et autres avatars stériles. Il n’existe pas de label pour les produits alimentaires préservant cette biodiversité et il est plus probable de les retrouver sur les étals d’un marché paysan que dans ceux de la grande distribution.
Un alibi aux rencontres
Partager un peu du quotidien des habitants permet de découvrir des saveurs authentiques loin des fastfood aux produits standardisés. C’est ce que vous offre les milliers de marchés et foires populaires parsemées tout au long du continent américain (sauf au Chili, Argentine et Etats-Unis d’Amérique où ils sont plus rares et souvent changés en lieu mondains). On peut y sentir le poul des lieux, y faire de belles rencontres et se régaler de saveurs inattendues. De plats sont souvent frais cuisinés depuis les premières heures du matin. Gare! Un estomac occidental peut facilement chavirer! Choisir un hébergement chez l’habitant est aussi un moyen indirect de déguster de bons petits plats. Le réseau d’hospitalité gratuite pour amoureux du vélo Warmshowers ou les casas particulares (sorte de chambres d’hôte) à Cuba me reviennent en mémoire. J’en ai l’eau à la bouche !

Partage de la cuisine et du repas et ambiance conviviale lors d’un volontariat à Uruapan, Mexique © David Gasc
La gastronomie et l’agriculture traditionnelle associée peuvent être l’objet même du voyage! Des agences ont développé des Food Tours ou circuits thématiques agri-touristiques et gastronomiques pour permettre au voyageurs de découvrir la diversité des productions agricoles et des savoir-faire traditionnels de la destination. Vous pourrez ainsi découvrir les plantations de café de Colombie, les vignobles de la région de Mendoza en Argentine entre deux dégustations, les plats de la culture Afro à base de dendê et les meilleurs mole du Mexique. A l’instar des « El Perezoso » au Nicaragua, « Kawsay » en Equateur ou la Red Tusoco en Bolivie, dégustez des plats typiques réalisés avec des produits locaux et sains et même élaborez-les dans les règles de l’art lors d’ateliers avec des passionnés de la cuisine généreuse!
Bien manger, ça se découvre !
Le bien manger se découvre et s’apprend grâce au voyage. A l’occasion de la fête du maïs à Oaxaca au Mexique par exemple, j’ai participé à un atelier libre de fabrication de tacos organisé par l’ONG Milperros. Rien à voir avec ceux vendus dans la rue. Ceux-là étaient violets, blancs, jaunes, à la texture parfaite et à la saveur parfumée. Ils n’attendaient que leur dose de légumes de viande hachée pour une explosion de plaisir! De plus en plus d’agences proposent ces sortes de formations ou expériences actives avec des locaux dans leurs circuits touristiques, pas toujours dans un cadre gagnant-gagnant. Soyez vigilants!
Le volontariat dans des éco-communautés est aussi une superbe opportunité pour le voyageur consciencieux et curieux d’en apprendre davantage sur l’alimentation responsable, et surtout de la mettre en pratique. A l’instar des Luum Ayni (Mexique), Tierra Plena (Mexique), la Tahona (Uruguay) ou Velatropa (Argentine) que j’ai visités, ces expériences sont exceptionnelles à bien des égards. Outre le fait de participer soi-même à la production des aliments de sa diète, c’est l’occasion de partager ses connaissances avec les autres, de remettre l’alimentation au centre de ses attentions. Du jardin à l’assiette, les produits y avaient une saveur particulière, celle de la reconnaissance, du respect et de l’abondance de la Nature. Je recommande vivement de vivre ces expériences hors des standard, un voyage au cœur du voyage.
Des entrepreneurs touristiques ont intégré dans un même lieu l’hébergement, la production agricole et la restauration. Stanford Inn sur la côte californienne est ce lieu idyllique. Du restaurant, les clients dégustent les plats délicieux et peuvent voir en même temps les légumes pousser dans le jardin en contrebas. Probablement plus efficace qu’un beau discours pour sensibiliser la clientèle ! L’autosuffisance alimentaire est un objectif de l’établissement. De nos jours, on ne peut être sûr de ce que l’on mange que si on le produit soi-même ! C’est de plus en plus clair, l’industrie agro-alimentaire n’en a que faire de notre santé et de celle de la planète. Une raison de plus pour relocaliser la production. Stanford Inn est pionnier de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) à bien des égards…
Le réseau SlowFood, lui, fait la promotion d’une alimentation de qualité, saine et savoureuse en mettant en avant des variétés et des plats typiques tel le feijoa ou goyave d’Uruguay et Sud Brésil. Chez Chukuwata, associé à ce mouvement international, Isha et ses collègues apprennent aux jeunes générations de Barranquilla à confectionner des recettes traditionnelles colombiennes à base de produits nobles et locaux. A travers ces ateliers ludiques, les nouvelles générations établissent un contact direct avec ces fruits et légumes et les savoir-faire. Tous les sens sont sollicités. Cette graine semée germera pendant leur vie d’adulte.
Moins et mieux

Fruits récoltés sur la route : la déprise agricole ne fait pas que des malheureux ! © David Gasc
Réduire l’impact de son alimentation amène aussi à se demander si on ne ferait pas mieux de manger moins et mieux, tout simplement. Enfin, plus facile à dire qu’à faire. Force est de constater que parmi mes rencontres sur les routes des Amériques, plus de la moitié des cyclo-aventuriers étaient végétariens (une proportion supérieure à celle dans la population générale). Pourtant, un sportif tel le cyclo-aventurier doit bien s’alimenter et trouver l’énergie suffisante dans sa nourriture. Pourquoi donc ? C’est un autre débat mais l’itinérance donne une lucidité particulière : on voit le fonctionnement du monde, ses prédations et ses dérapages. En ce qui concerne l’agriculture, on « voit » clairement les problèmes environnementaux et sociaux que provoquent l’élevage intensif (ou la mal-bouffe) et donc la consommation de viande. Pas étonnant que le changement alimentaire suive cette prise de conscience.
Tu t’intéresses ausssi à l’écoconstruction, David nous en parle par ici.
Auteur:
David Gasc – Responsabilités Sans Frontières